by Dan Roarty, AllianceBernstein
En dĂ©but de mois, The Wall Street Journal reprochait aux portefeuilles ESG la prĂ©pondĂ©rance des grandes valeurs technologiques dans leurs expositions. Il nous semble pourtant que les titres technologiques font partie intĂ©grante dâun programme dâinvestissement responsable dĂšs lors quâils ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s dans le cadre dâun processus bien dĂ©fini, ciblant les entreprises dont les activitĂ©s promeuvent des avancĂ©es environnementales, sociales et en matiĂšre de gouvernance (ESG).
Selon lâarticle du WSJ, publiĂ© le 10 fĂ©vrier, les fonds dâinvestissement durable se rendent coupables de « publicitĂ© mensongĂšre » dans la mesure oĂč ils nâinvestissent pas forcĂ©ment dans des entreprises qui vendent des Ă©oliennes ou favorisent la diversitĂ© au sein des conseils dâadministration. « Nombre dâentre eux ressemblent Ă sây mĂ©prendre Ă des portefeuilles de grandes valeurs technologiques », dĂ©plore lâauteur.
Sâappuyant sur un rapport publiĂ© par RBC Capital Markets, le WSJ constatait que les cinq valeurs de lâindice S&P 500 les plus couramment dĂ©tenues dans des fonds dâactions durables gĂ©rĂ©s de façon active Ă©taient Microsoft, Alphabet Inc., Visa, Apple et Cisco Systems. Des entreprises telles que NextEra Energy, le plus grand opĂ©rateur mondial de parcs Ă©oliens et solaires, sont au contraire sous-reprĂ©sentĂ©es dans les fonds ESG. Ces observations, selon lâarticle, reflĂštent lâimmense frustration des investisseurs socialement responsables face Ă lâabsence de rĂšgles pour encadrer les fonds ESG.
Trois erreurs
Ă nos yeux, cet article laisse Ă dĂ©sirer sur trois points. PremiĂšrement, il prĂŽne une dĂ©finition trĂšs restreinte des problĂ©matiques et des fonds ESG. DeuxiĂšmement, il omet de reconnaĂźtre le rĂŽle central jouĂ© par les entreprises technologiques dans la promotion des avancĂ©es ESG. TroisiĂšmement, lâarticle passe sous silence les opportunitĂ©s dâalpha dont bĂ©nĂ©ficient les gĂ©rants actifs dĂ©tenant en portefeuille des entreprises concurrentielles axĂ©es sur le dĂ©veloppement durable.
Quelle définition pour les problématiques ESG ?
Les investisseurs axĂ©s sur les enjeux sociaux veulent contribuer Ă rendre le monde meilleur. Mais sâattendre Ă ce que les fonds durables nâinvestissent que dans des entreprises qui « luttent contre le changement climatique, dĂ©veloppent des Ă©oliennes ou favorisent la diversitĂ© au sein des conseils dâadministration » nous semble ĂȘtre une approche erronĂ©e. Il sâagit par ailleurs dâun malentendu courant. DĂ©finir prĂ©cisĂ©ment les problĂ©matiques ESG est un casse-tĂȘte pour nombre dâinvestisseurs. Lâarticle laisse entendre que seules quelques problĂ©matiques ESG sont lĂ©gitimes, mais la rĂ©alitĂ© est tout autre. Toutes les dimensions de la sociĂ©tĂ© sont en effet concernĂ©es par le dĂ©veloppement durable.
Il nous semble que les objectifs de dĂ©veloppement durable des Nations unies (« UN Sustainable Development Goals », UNSDG) fournissent aux investisseurs une bonne base pour apprĂ©hender toute la portĂ©e des problĂ©matiques et des opportunitĂ©s dâinvestissement en rapport avec le dĂ©veloppement durable. Les 17 objectifs, Ă©tablis par 193 nations dĂ©veloppĂ©es et en voie de dĂ©veloppement, abordent les enjeux mondiaux les plus pressants, notamment la pauvretĂ© et les inĂ©galitĂ©s, le genre, lâaccĂšs aux soins de santĂ©, lâinclusion financiĂšre et les Ă©nergies propres. Ces problĂ©matiques affectent des personnes et des entreprises de tous secteurs gĂ©ographiques et Ă©conomiques, montrant ainsi que les problĂ©matiques ESG sont tout sauf restreintes.
Lâarticle du WSJ confond par ailleurs deux moteurs distincts de la crĂ©ation de valeur sociale, Ă savoir les produits et le comportement des entreprises. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, une entreprise peut crĂ©er ou dĂ©truire de la valeur sociale via ses produits et services (Ă©oliennes contre tabac, par exemple) et via son propre comportement opĂ©rationnel (rĂ©munĂ©ration Ă©quitable des hommes et des femmes contre corruption et pots-de-vin, par exemple). Les questions ESG sâappliquent de la mĂȘme maniĂšre aux deux catĂ©gories.
Quâest-ce quâun fonds ESG ?
Certes, il nâexiste pas de dĂ©finition prĂ©cise de ce qui constitue un fonds ESG, comme lâa fait remarquer le WSJ â et comme lâa Ă©galement constatĂ© la SEC. Il est vrai, Ă©galement, quâil existe des fonds ESG de toutes formes et toutes tailles. Mais cela ne signifie pas pour autant que tous les fonds ESG sont coupables de « greenwashing ».
La clartĂ© et la transparence sont primordiales. Les gĂ©rants de portefeuille doivent suivre une mĂ©thodologie dâintĂ©gration des facteurs ESG clairement dĂ©finie. Les clients ont le droit de savoir exactement dans quelle mesure lâapproche dâun gĂ©rant influence la construction dâun portefeuille, ses caractĂ©ristiques et sa performance attendue.
Les stratĂ©gies ESG peuvent sâappuyer sur de nombreuses approches diffĂ©rentes, ce qui affecte la construction des portefeuilles. Certains ciblent de façon intentionnelle les entreprises qui vendent des produits profitant Ă la sociĂ©tĂ© et, de ce fait, surpondĂšrent gĂ©nĂ©ralement des secteurs comme les soins de santĂ©, la technologie et lâindustrie. Dâautres fonds se concentrent sur lâengagement dâentreprises peu performantes dâun point de vue ESG afin de capturer lâalpha libĂ©rĂ© par lâamĂ©lioration des pratiques ; ces fonds peuvent investir dans nâimporte quel secteur, y compris dans des entreprises comme celles des services aux collectivitĂ©s, qui nâapparaissent gĂ©nĂ©ralement pas sur les Ă©crans radar ESG.
Les entreprises qui vendent des produits ou des services contribuant Ă la rĂ©alisation dâun ou plusieurs objectifs de dĂ©veloppement durable des Nations unies et qui prĂ©sentent des fondamentaux solides constituent, Ă nos yeux, dâintĂ©ressantes cibles dâinvestissement potentielles. SĂ©lectionner ce type dâentreprises revient Ă construire un portefeuille de qualitĂ© axĂ© sur la croissance. Il existe toutefois dâautres façons de mettre lâaccent sur les enjeux ESG, et chaque investisseur peut choisir celle qui conviendra le mieux Ă ses besoins.
Pourquoi les fonds ESG ne devraient-ils pas détenir de valeurs technologiques ?
Selon le WSJ, dĂ©tenir de grandes valeurs technologiques serait incompatible avec un cadre dâinvestissement axĂ© sur les problĂ©matiques ESG. Mais pourquoi ? Les entreprises technologiques nous aident Ă communiquer et Ă partager nos connaissances, Ă crĂ©er de nouvelles opportunitĂ©s dâemploi, Ă stimuler la croissance Ă©conomique, Ă accroĂźtre la portĂ©e des soins de santĂ©, Ă faire le lien entre les personnes et petites entreprises et le systĂšme financier, et Ă protĂ©ger nos actifs numĂ©riques personnels. Chacun de ces aspects est au cĆur du dĂ©veloppement durable. Il nous paraĂźtrait Ă©trange de les occulter dans un fonds ESG.
Bien entendu, les entreprises technologiques sont confrontĂ©es Ă des prĂ©occupations croissantes au sujet des questions ESG telles que la confidentialitĂ© des donnĂ©es, la gouvernance dâentreprise et la consommation dâĂ©nergie des centres de donnĂ©es. Il sâagit de domaines dans lesquels un investisseur en actions actif peut dialoguer avec lâĂ©quipe dirigeante dâune entreprise et, selon les conclusions de ses recherches, dĂ©terminer sâil doit dĂ©tenir ou non lâaction Ă©mise par cette entreprise. Ainsi, les investisseurs forts dâune dĂ©finition prĂ©cise de la notion de dĂ©veloppement durable peuvent identifier des valeurs technologiques susceptibles de constituer de puissants vecteurs de changement et Ă©carter celles qui ne remplissent pas leurs critĂšres.
Le problÚme du « closet indexing »
Peut-ĂȘtre que les fonds ESG nâont Ă©tĂ© conçus que pour duper les investisseurs et reproduire les indices de rĂ©fĂ©rence ? Le WSJ avance que les fonds ESG pondĂšrent fortement les grandes valeurs technologiques par crainte de sâĂ©loigner excessivement de lâindice de rĂ©fĂ©rence, ce qui renforce le risque de sous-performance. Il nous semble injuste dâattribuer tout le « mĂ©rite » du « closet indexing » aux fonds durables, dans la mesure oĂč cette pratique douteuse concerne lâensemble du secteur.
En rĂ©alitĂ©, sâĂ©carter de lâindice de rĂ©fĂ©rence pour identifier des entreprises vĂ©ritablement durables peut stimuler la surperformance. En effet, les entreprises qui vendent des produits durables et ont recours Ă des pratiques durables peuvent ainsi se doter dâavantages concurrentiels non nĂ©gligeables. Les entreprises tournĂ©es vers lâavenir et mettant lâaccent sur les questions ESG peuvent bĂ©nĂ©ficier dâun important potentiel de croissance Ă long terme, dâune meilleure rentabilitĂ© et dâune rĂ©duction des risques. Par contraste, les indices de rĂ©fĂ©rence pondĂ©rĂ©s en fonction de la capitalisation boursiĂšre privilĂ©gient souvent les anciennes technologies sur le dĂ©clin.
Les stratĂ©gies dâinvestissement axĂ©es sur les problĂ©matiques ESG suscitent une attention accrue. Il est important que les investisseurs veillent Ă toujours comprendre la façon dont leurs actifs sont investis par un fonds. Mais il ne faut pas nĂ©gliger les expositions au secteur technologique dans les fonds durables. Les actions technologiques sont une composante essentielle de lâĂ©conomie mondiale moderne et un important vecteur de changement positif. Ă ce titre, elles ont tout Ă fait leur place dans les portefeuilles axĂ©s sur les facteurs ESG.
Dan Roarty est Chief Investment OfficerâThematic and Sustainable Equities au sein dâAB.
Les opinions ici exprimĂ©es ne sauraient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme une recommandation en vue de rĂ©aliser une quelconque transaction, un conseil en investissement ou le rĂ©sultat de recherches. Elles ne reflĂštent pas nĂ©cessairement lâopinion de lâensemble des Ă©quipes de gestion de portefeuille dâAB et peuvent Ă©voluer Ă tout moment.
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